COMMUNIQUÉ : Devoir de vigilance européen : Une première mondiale mais un texte décevant
Rassemblés ce mercredi 13 décembre 2023 en trilogue à Strasbourg, le Conseil, la Commission et le Parlement européens sont parvenus à un accord sur la Directive instaurant un devoir de vigilance européen des entreprises concernant l'impact de leur activité sur l'environnement et les droits humains.
Pour Marie Toussaint, eurodéputée écologiste : “L’accord trouvé cette nuit est en soi une victoire historique. Cette directive n'était initialement pas prévue dans le cadre du Pacte vert, et c'est le Parlement européen qui avait arraché sa mise à l’ordre du jour face à la violation répétée des droits humains par les multinationales et leurs activités nocives pour le climat et la nature.
Six ans après l’adoption de la loi française, l’Union européenne va enfin mettre en place un devoir de vigilance pour en finir avec l’impunité des grandes entreprises européennes dans l’UE et à l’étranger. Malgré ses faiblesses, le texte impose aux entreprises de plus de 500 salariés et de plus de 250 salariés dans certains secteurs, un cadre légal au sein duquel elles doivent identifier, prévenir, mettre fin ou à défaut atténuer l’impact de leurs activités sur les droits humains et l’environnement. C’est une avancée indispensable pour faire face aux violations des droits humains, comme les droits des ouïghours dans le secteur textile, commises par de plus petits acteurs.
Néanmoins, l'accord ne s’avère ni au niveau de l’urgence écologique, ni au niveau de la prétention de l’Union à défendre ses valeurs par-delà nos frontières. Les États membres conduits par les gouvernements français et allemand, ont œuvré à affaiblir le texte.
En particulier, l'acharnement d'Emmanuel Macron et du gouvernement français à écarter le secteur financier du texte dédouane tant les banques que les investisseurs de toute responsabilité quant aux impacts de leurs investissements sur le climat, l’environnement ou le respect des droits humains. Le secteur joue pourtant un rôle déterminant dans la crise écologique en finançant des projets dévastateurs, comme le projet EACOP financé par des banques françaises comme la Société générale ou le Crédit agricole. Les banques européennes ont versé US$ 1 331 milliards aux énergies fossiles depuis l’adoption de l’Accord de Paris
Par ailleurs, la France a fait pression pour empêcher la mise en place d’un devoir de vigilance climatique. Si le texte demande bien aux entreprises d’adopter et mettre en place des plans de transition climatique, il ne prévoit pas la possibilité d’engager la responsabilité civile de l’entreprise en cas de non-respect de cette obligation. Seuls les plans de transition seront contrôlés et pourront éventuellement donner lieu à des sanctions administratives.
Si les atteintes à la nature et aux écosystèmes sont relativement bien définies grâce au Parlement européen, le gouvernement allemand a quant à lui réussi à limiter l'engagement de la responsabilité civile des entreprises aux seuls cas dans lesquels sont constatées des atteintes aux personnes, et non aux écosystèmes.
En somme : les atteintes au climat et à la nature restent donc une variable d'ajustement pour les entreprises, qui peuvent continuer à déployer des stratégies climaticides. Pourtant, les lois de l'économie ne sont pas au-dessus des lois de la nature, et la capacité de l'union à réencastrer l'économie dans les limites planétaires conditionne l'avenir de l'humanité sur Terre.
Nous regrettons également que les États membres aient aussi à exclure le droit des populations autochtones du texte, et notamment leur droit à un consentement libre, préalable et éclairé pourtant reconnu à l’échelle internationale. Le texte comporte toutefois des avancées pour faciliter l’accès à la justice des victimes, en particulier l’accès aux preuves détenues par les entreprises et difficiles à obtenir -une victoire cruciale.
Sur ce texte comme sur tous les autres, les droites européennes au Parlement et au Conseil font front commun contre l’écologie. Nous continuerons à nous battre pour une Europe et une économie respectueuse des droits humains et de la nature.”
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Roxane Chaplain : roxane.chaplain@europarl.europa.eu