Au Parlement européen, bataille en cours pour éviter une mandature ultra-conservatrice
Les temps sont durs pour les démocrates. Aux États-Unis, la probabilité d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche est plus élevée que jamais. Le 1er juillet, le Premier ministre hongrois d’extrême droite, Viktor Orban, a pris la présidence tournante du Conseil de l’Union Européenne pour six mois, au moment même où l’Europe élabore sa feuille de route pour les 5 prochaines années. Et la France, pays fondateur de l’Union, pourrait bien sombrer dans les bras du RN. Le spectre d’une arrivée de Jordan Bardella à Matignon s’inscrit dans une tendance plus globale : partout, la coalition des droites et des extrêmes droites se prépare à lancer une offensive décisive contre la justice sociale, les droits humains et l’écologie.
L’agenda des extrêmes droites est bien connu : réduire à néant les contre-pouvoirs démocratiques (comme viennent de le faire les alliés de Trump à la Cour Suprême), faire obstacle à l’agenda écologique (le mot d’ordre de Trump est : drill, drill, drill!, soit un appel au déploiement des énergies fossiles climaticides), et faire reculer les droits humains.
La présidence hongroise s’inscrit sous les mêmes auspices, en adoptant d’ailleurs un slogan calqué sur celui de l’ex-président américain : Make Europe great again ! Leur programme est clair, et remarquablement similaire à celui de la droite européenne représentée en France par François-Xavier Bellamy : la mise à mort du Pacte vert et la restriction des droits des migrants et de toutes les minorités.
Or, justement, le Parti Populaire Européen (PPE), parti conservateur où siègent notamment les Républicains, a été le principal vainqueur des européennes. Il passe de 176 à 189 sièges. Contrairement à la mandature précédente, plus aucune majorité progressiste n’est aujourd’hui possible sans eux. D’autant plus que les conservateurs européens pourraient cette fois sauter le pas d’une coalition assumée avec l’extrême droite.
La perspective d’une alliance avec l’extrême droite a fait fuir du groupe conservateur les députés belges ; tandis qu’au centre, si les Tchèques de Babis ont rejoint Orban, les Néerlandais du VVD siégeront toujours dans le groupe présidé par Valérie Hayer, malgré les promesses de campagne de cette dernière.
À celles et ceux qui pensent que les élections européennes sont déjà loin, je veux dire que ce qui se joue aujourd'hui est crucial.
Au Parlement européen, les extrêmes droites sont en plein tumulte, et en pleine recomposition. L'extrême droite allemande (celle qui considérait il y a peu que tous les SS n'étaient pas des criminels…) pourrait bien former un nouveau groupe, avec de petits partis d’extrême-droite d’Europe centrale ou encore d’Espagne, appelé fumeusement “les souverainistes”, que rejoindrait vraisemblablement Sarah Knafo, l’unique survivante de la liste Reconquête après la défection de Marion Maréchal et ses amis.
Les eurodéputés Rassemblement national, eux, ne savent pas encore bien où ils siégeront… ou se gardent bien de le dire avant le second tour des législatives. La réalité, c'est qu’une nouvelle alliance se profile avec les Tchèques de Babis, l’extrême-droite autrichienne, portugaise et… Viktor Orban, qui a annoncé la création d’un nouveau groupe politique, les patriotes.
Rappelons que les nationaux-populistes dirigent déjà les gouvernements de cinq pays européens, et qu’au moment où les négociations ont lieu, la France pourrait bien elle aussi basculer. C’est l’un des enjeux passés sous silence des élections législatives en France : les textes qui fixent les modalités de désignation du Commissaire français n'étant pas clairs, il se pourrait qu’un gouvernement d’extrême droite propose à la Commission européenne un Commissaire issu de ses rangs… Là où Emmanuel Macron défend une nouvelle candidature du Commissaire sortant Thierry Breton, Jordan Bardella a annoncé celle de… Fabrice Leggeri. L’homme responsable de l’agence Frontex quand des milliers d’êtres humains trouvaient la mort en Méditerranée, et aujourd'hui poursuivi pour “déloyauté envers l’Union européenne”. Cela promet.
Résistance
Le Parlement européen, qui jusque-là était l'institution européenne la plus progressiste, notamment sur l'écologie ou les droits humains, prend donc un virage autrement plus conservateur. Au moment où nous devrions mettre les bouchées doubles sur le Pacte Vert, où nous allons devoir voter une nouvelle PAC, renégocier le budget, ou faire avancer les droits des femmes, il y a de quoi être franchement inquiet.
Heureusement, parmi le marasme ambiant, il y a des raisons de renouer avec l’espoir.
En fin de semaine dernière, les États membres se sont mis d'accord sur les “top jobs”, les nominations les plus importantes de l'Union, et ont confirmé qu’il n’y aurait pas d’alliance de la majorité européenne avec l’extrême droite. Le socialiste portugais Antonio Costa prendra la présidence du Conseil, l'estonienne centriste Kaja Kallas le rôle de Haute représentante de l'Union aux affaires étrangères, et la candidature d'Ursula von Der Leyen sera à nouveau proposé au vote des eurodéputé.e.s mi-juillet. Alors que la droite européenne poussait pour un accord avec l'extrême droite italienne, Giorgia Meloni s'est abstenue : première victoire des démocrates !
Pour la consolider, nous devons impérativement empêcher l’arrivée du RN au pouvoir en France, et au niveau européen.
Malgré la propagande anti-écologiste en cours, les Verts européens tiennent bon. Nous venons d’élire nos deux coprésidents, Terry Reintke et Bas Eickhout, et fait de la place dans nos rangs aux cinq élus du parti européen Volt. Nous avons également accueilli des renforts de toute l’Europe : les Françaises Mélissa Camara et Majdouline Sbai, mais aussi des nouveaux élus venus de Lettonie, des Pays-Bas, d'Italie, de Roumanie, ou de Croatie. Nous sommes prêt.e.s à nous battre, avec nos partenaires, pour l’écologie et la justice. Pour le maintien du Pacte Vert, pour une PAC juste et durable, pour la justice, pour une Union européenne solidaire et actrice de la paix.
En France, le Front républicain qui se met progressivement en place en France donne de solides raisons d’espérer.
Quelles que soient les difficultés que le futur nous réserve, nous n’abandonnerons jamais l’Europe, ni aux ultra-conservateurs, ni aux néo-fascistes, ni aux populistes.