COMMUNIQUÉ : L’UE s’apprête à donner un blanc-seing aux destructeurs de l’océan
La France et l’Espagne font planer deux dangers imminents et très concrets sur la santé de l’océan et du climat. D’une part, ces deux pays font actuellement pression sur la Commission européenne et au sein du Conseil de l’Union européenne pour qu’une objection soit faite à une mesure cruciale qui vient tout juste d’être adoptée à la faveur d’un vote dans l’océan Indien. D’autre part, ces deux mêmes pays portent des mesures nocives au sein de la réforme d’un règlement européen portant sur le contrôle des activités de pêche, au sujet de leurs navires ciblant les thons, des géants industriels de plus de 80m.
Une mesure cruciale pour l’océan Indien
Le contrôle et la limitation des dispositifs de concentration de poissons (DCP) dérivants était à l’ordre du jour d’une réunion spéciale de la Commission thonière de l’océan Indien (CTOI), qui s’est tenue à Mombasa, Kenya, du 3 au 5 février.
Les DCP dérivants sont utilisés en très grand nombre par les thoniers français et espagnols actifs dans l’océan Indien, et ils sont responsables de la capture de très nombreux juvéniles de thon albacore et de thon obèse — deux espèces considérées comme surpêchées — ainsi que de la capture de nombreuses espèces fragiles de tortues, requins, etc.
Ces dernières années, d’après les données de la CTOI, les thoniers français et espagnols ont réalisé la quasi-intégralité de leurs captures dans l’océan Indien grâce à l’assistance technologique des DCP dérivants. Cette dépendance met en péril tout objectif de reconstitution des écosystèmes marins, et donc du respect des objectifs de la PCP.
Le 5 février, 16 des 23 pays présents à cette réunion ont voté une importante résolution instaurant notamment, pour la première fois, une interdiction des DCP dérivants. Cette mesure est absolument cruciale — elle existe d’ailleurs partout ailleurs dans le monde pour des raisons de conservation des ressources halieutiques — mais après s'être opposée à l'adoption de cette interdiction, l'UE, représentée par M. Marco Valletta, chef de la délégation européenne, a annoncé lors de son ultime prise de parole le 5 février dernier à Mombasa que l’UE pourrait y faire objection ; option confirmée par M. Emmanuel Berck en réponse à une question posée en Commission PECH par l’eurodéputée Caroline Roose. Si tel était le cas, la mesure ne s’appliquerait plus aux navires européens, ce qui en ferait une mesure sans portée. Une objection de l’Union européenne serait inédite et inadmissible.
Dans une lettre adressée aujourd’hui au commissaire à l'environnement, aux océans et à la pêche Virginijus Sinkevičius, les eurodéputées EELV Marie Toussaint et Caroline Roose lui demandent formellement de renoncer à faire objection. Le groupe des Verts/ALE entend se saisir de tous les moyens à sa disposition pour s’opposer à une potentielle objection.
Une mesure technique mais essentielle
En parallèle de ces discussions dans l’océan Indien, la France et l’Espagne mettent également leur force de frappe diplomatique dans la balance pour saborder une mesure technique du règlement instituant les mesures de contrôle de la pêche européenne. Le potentiel de nuisance du changement demandé par la France et l’Espagne est complètement passé sous le radar de l’opinion publique et des médias. Leur lobbying porte sur la « marge de tolérance », c’est-à-dire la marge d’erreur entre ce qui est déclaré avoir été pêché, et ce qui a réellement été pêché en cas de contrôle. La demande, innocente pour le non-initié, aurait des répercussions catastrophiques pour les écosystèmes marins et les économies côtières de l’océan Indien. Fort de leur pouvoir au sein du Conseil de l’Union européenne, ce changement est de plus en plus crédible.
À l’heure de l’effondrement de la biodiversité et des grands discours écologiques d’Emmanuel Macron, le comportement de la France est irresponsable et pose un danger systémique pour la santé des espèces marines et des économies côtières de l’océan Indien.