COMMUNIQUÉ : Le Parlement européen adopte définitivement la création d’un devoir de vigilance européen
Le Parlement européen a adopté ce mercredi 24 avril l’accord final sur le devoir de vigilance européen. Une victoire importante pour les écologistes, malgré les attaques du Conseil, et en particulier d’Emmanuel Macron contre le texte.
Pour Marie Toussaint, eurodéputée écologiste : “Nous l’avons échappé belle. La directive sur le devoir de vigilance a failli ne pas voir le jour, sous la pression des Etats-membres, dont la France ! Emmanuel Macron, qui s’était présenté comme un des grands défenseurs du texte, a en réalité œuvré depuis des mois pour l’affaiblir.
Il a d’abord obtenu l’exclusion du secteur financier du champ d’application de la directive. Le secteur joue pourtant un rôle déterminant dans la crise écologique en finançant des projets destructeurs, comme le projet EACOP de Total. La définition de la “chaîne de valeur” aval des entreprises a par ailleurs été limitée aux seuls partenaires commerciaux “directs” de l’entreprise, limitant de facto sa responsabilité.
Enfin, le gouvernement français, avec l’aide d’autres Etats, a également obtenu une importante réduction du champ d’application de la directive. Celle-ci ne concernera que les entreprises de plus de 1000 salariés, tandis que la définition de secteurs à “haut risque” comme le textile ou l’agriculture, pour lesquels le seuil devait être plus faible, a été tout bonnement supprimée. Plutôt que les 16 000 entreprises européennes concernées par la proposition initiale de la Commission, l'accord final n'en inclut que 5 300, soit 0,05 % des entreprises européennes. Des entreprises françaises dont l’activité pourrait avoir des conséquences importantes sur l’environnement et les droits humains comme le groupe Salins (secteur minier), le groupe Charier (secteur BTP), ou encore Maurel & Prom (pétrole et gaz) ne seront donc plus concernées par le texte. Une fois de plus, Emmanuel Macron et les droites européennes ont cédé au lobbying des grands groupes, alors même qu’un nombre croissant d'entreprises demandent, quant à elles, des normes claires permettant de respecter les droits humains et de protéger une planète finie.
Malgré ces reculs, l’adoption de ce texte est une première historique dans le monde, et une victoire de taille, surtout en cette fin de mandat marquée par une grande régression sociale et environnementale. 11 ans après le drame du Rana Plaza, les grandes entreprises européennes seront enfin responsables des impacts sociaux et environnementaux de leurs activités partout dans le monde. Cette loi permettra de rendre légalement responsable une entreprise comme Zara pour son implication dans le travail forcé des Ouighours, ou bien Total pour le déplacement de dizaines de milliers de personnes dans le cadre du projet EACOP.
Nous nous sommes particulièrement battues pour maintenir dans le texte des obligations climatiques : les entreprises concernées devront ainsi adopter et mettre en œuvre un plan de vigilance climatique permettant d’aligner autant que possible leur stratégie avec les objectifs de l’Accord de Paris et de neutralité climatique d’ici à 2050. Malheureusement, le texte exclut l'engagement de la responsabilité civile en cas de non-respect par les entreprises de ces obligations climatiques et environnementales lorsqu'il n'est pas possible de prouver un lien avec l'atteinte des droits humains, seules des sanctions administratives sont prévues.
La directive est complétée par l’adoption, hier, du règlement interdisant les produits issus du travail forcé sur le marché de l'Union, qui constitue aussi une importante victoire écologiste et un pas indispensable pour mettre les droits humains au cœur de la politique commerciale de l’UE.
Après une décision historique devant la Cour européenne des droits de l’Homme le 9 avril dernier reconnaissant la responsabilité climatique des États européens et l’impact du climat sur les droits fondamentaux, la Directive sur le devoir de vigilance ouvre la voie vers une responsabilité sociale et environnementale des entreprises à l’échelle européenne et une nouvelle ère de contentieux à l’égard des entreprises ne respectant pas leurs obligations.”