Trois questions à… Mahnaz Shirali, politologue iranienne
Née en 1965 à Téhéran Mahnaz Shirali est une politologue et sociologue iranienne spécialiste de l’Iran. Directrice d'études à l'Institut de science et de théologie des religions de Paris, elle enseigne également à Science Po Paris
Presque six mois après la mort de Mahsa Amini, que devient le mouvement de contestation en Iran ?
Le régime a réussi à étouffer les Iraniens protestataires, en commettant des crimes crapuleux et en torturant les manifestants arrêtés. Le climat de terreur qui règne actuellement sur l’Iran est sans précèdent. Jamais la violence dans ce pays n’avait atteint ce niveau de brutalité.
On a parlé de la suppression de la police des moeurs, des prisonniers ont été relâchés: le pouvoir iranien est-il en train de reculer ?
La police des mœurs n’a jamais été supprimée dans ce pays, ce fut une fausse annonce reprise par les médias occidentaux et largement démentie aussi bien par les autorités iraniennes que par les Iraniens eux-mêmes qui n’ont jamais cru la République islamique capable d’alléger sa répression. Quant aux prisonniers libérés, il en reste encore quelques 20 000 autres enfermés dans les prisons moyenâgeuses du régime, dont les droits les plus élémentaires sont systématiquement violés. Ceux qui ont été libérés ont été tellement torturés qu’ils se suicident les uns après les autres. L’augmentation de suicide chez les manifestants relâchés est alarmante. Les psychologues iraniens ne cessent d’alerter les familles et de leur apprendre les mesures nécessaires à entreprendre afin de protéger leurs enfants et d’empêcher qu’ils se suicident.
La contestation ne dépasse-t-elle pas la seule question du voile ?
La colère des Iraniens est bien plus grande et plus profonde que le port du voile, mais celui-ci cristallise à lui seul tous les problèmes de ce pays : l’absence de liberté, la répression massive, la violence et l’autoritarisme d’un Etat kleptocrate, un Etat qui n’a jamais pris en compte les intérêts nationaux des Iraniens. C’est la raison pour laquelle ceux-ci considèrent leur pays comme un territoire occupé par une force étrangère : les mollahs.