50 milliards d'€ de projets gaziers soutenus par l'UE, un scandale climatique, géopolitique, démocratique et social !
Le Parlement européen doit voter dans les prochaines semaines la nouvelle liste d’infrastructures énergétiques"d'intérêt commun ou mutuel", appelée liste “PCI”. La Commission européenne a présenté en décembre les projets qui constituent cette liste et qui bénéficieront d’un soutien financier public et de facilitations administratives. Et cette liste est un réel scandale climatique, géopolitique, démocratique et social ! Je vous explique pourquoi.
Un scandale climatique
Les scientifiques sont unanimes : si nous voulons maintenir le réchauffement global sous le seuil des 2°C, nous devons laisser 80% des combustibles fossiles dans le sous-sol. L’Agence Internationale de l’Energie appelle à cesser immédiatement les investissements dans de nouveaux projets d’exploitation fossiles, gaz inclus, et de sortir complètement des fossiles d’ici 2035.
Et pourtant… La liste publiée par la Commission européen contient pas moins de 68 projets d'infrastructures hydrogène. Or, l’hydrogène est encore produit à 96% partir de gaz fossile ou de nucléaire, et un grand nombre de ces projets serviront d'abord au transport/stockage de gaz avant de transitionner vers l'hydrogène (sans réelle garantie).
Mais surtout, alors que le Parlement européen avait obtenu l’exclusion des projets 100% fossiles des listes PCI de l’UE, 2 projets ont malgré tout obtenu une dérogation. Melita, un gazoduc offshore de 159 km rejoignant Malte à l’Italie, pour transporter 1,2 milliards de mètres cubes de gaz par an, et EastMed, un gazoduc reliant le bassin levantin à l’Europe qui deviendrait le plus long d’Europe (1900km) et le plus profond du monde. Deux bombes climatiques qui pourraient être soutenues officiellement par l’Union européenne.
Un scandale géopolitique
Le gazoduc Eastmed pose aussi problème car il menace la possibilité de paix à l’Est de la Méditerranée. L'extraction de gaz en Méditerranée orientale et la construction d’un nouveau gazoduc ne va qu’exacerber les tensions géopolitiques déjà existantes dans la région et favorisera la militarisation de l'ensemble de la zone. Alors qu’il est projeté de puiser dans les eaux controversées entre Israël et Gaza, la construction du gazoduc EastMed ne fera qu’attiser les tensions sans que rien ne permette de protéger la population palestinienne à Gaza.
Par ailleurs, le projet augmente le risque d'une confrontation militaire entre la Turquie et la Grèce ; et attise le conflit non résolu entre la République de Chypre (RdC) et la République turque de Chypre du Nord (RTCN) pour le contrôle de l'île de Chypre.
Quant au gazoduc Mélita, c’est celui sur lequel enquêtait la journaliste maltaise Daphné Caruana Galizia lorsqu’elle a été assassinée. Le gazoduc sera connectée à une centrale partiellement détenue par Yorgen Fenech, l'homme jugé pour le meurtre de Caruana Galizia.
Un scandale social
Seulement deux tiers des 68 projets hydrogène de la liste proposée par la Commission européenne ont révélé des informations sur leur coût. Mais à eux seuls, leur construction et leur exploitation (sur une période de 20 ans) coûteraient pas moins de 70 milliards d'euros ! Pourtant, aucune étude n’a été faite pour évaluer leur utilité.
On ne peut que s’attendre à ce que ces projets coûteux et inutiles incitent à consommer de l’hydrogène, risquant d’augmenter les factures des consommateurs tout en n'apportant qu'un avantage limité, voire nul, sur le plan climatique.
En 2022, 42 millions de personnes, soit 9.3% des citoyens de l’Union, n’ont pas pu chauffer convenablement leur logement. La priorité de l’Union européenne devrait être d’aider ces personnes plutôt que de soutenir des infrastructures qui coûtent des milliards d’euros sans répondre à aucun besoin, à part la soif de profits des géants des fossiles.
Un scandale démocratique
L'Autorité européenne de l'énergie (ACER) a elle-même critiqué des problèmes de méthodologies trop simplifiées dans l'élaboration de la liste, un manque de transparence, et un fort risque de surestimation des besoins en infrastructures hydrogène.
Cette liste élaborée de manière non-transparente aurait en plus pu ne faire l’objet d’aucun vote au Parlement ! Le vote qui aura lieu le 22 février en commission énergie du Parlement européen, puis quelques semaines plus tard en plénière, n’a été déclenché que parce que nous avons déposé avec les Verts/ALE et quelques alliés une motion d’objection appelant à rejeter la liste.
Si cette motion est acceptée, la Commission européenne devra revoir sa copie en prenant en compte nos recommandations : une liste qui respecte nos engagements climatiques, garantisse la justice sociale pour tous les européens, et ne soutienne aucun projet qui menace la paix.