Trois questions à… Philippe Grandcolas, auteur de "Le sourire du pangolin"
Philippe Grandcolas est directeur de recherche au CNRS, écologue, biologiste de l’évolution, directeur adjoint scientifique de l’Institut Ecologie et Environnement du CNRS. Il a publié à l’automne dernier « Le sourire du Pangolin » aux éditions du CNRS.
De quoi le pangolin est-il le nom ?
Le pangolin est le symbole de cette biodiversité - autrement dit diversité du vivant - que nous ne voyons pas ou nous ne comprenons pas malgré son omniprésence et son importance primordiale dans tous les aspects de notre vie, alimentation, climat et santé. Un animal étrange, exotique, méconnu de tous, est soudain mis en exergue par la pandémie : on découvre non seulement son existence mais aussi qu’il est le mammifère le plus braconné au monde, et ce pour des raisons futiles. Dès que les coronavirus dont il est l’hôte sont exonérés de responsabilité dans la pandémie humaine, il retombe dans l’oubli et retourne à sa trajectoire d’extinction.
Que nous a montré la crise sanitaire sur notre rapport à la biodiversité ?
Notre rapport à la biodiversité est trop souvent négatif, distant et peu intelligent ! Grâce à la crise, en premier lieu, on a enfin entendu les conclusions des scientifiques écologues de la santé : un énorme accroissement des risques avec plus de 300 pics épidémiques ou d’émergence de maladies ces cinquante dernières années. Cet augmentation est liée à trois facteurs : la fragmentation et la destruction exponentielle des écosystèmes qui augmentent l’interface entre animaux sauvages et humains, la croissance colossale des élevages (aujourd’hui plus de 15 fois la biomasse des mammifères sauvages) sélectionnant pour la virulence et la transmissibilité des pathogènes, et enfin l’augmentation elle aussi exponentielle des transports et des migrations humaines, En second lieu, la pandémie, ses risques intrinsèques et les épisodes de confinements nous ont montré que nous sommes vulnérables aux aléas de biodiversité mais aussi que nous ne les comprenons guère.
Et au fait: un pangolin, ça sourit ou pas ?
Difficilement ! Contrairement à la plupart des mammifères, puisqu’il est édenté et dépourvu de muscles masticateurs ! Le sourire du pangolin est surtout une métaphore pour désarmer notre anthropocentrisme : elle nous rappelle que nous avons hérité notre capacité à sourire d’un ancêtre commun à tous les mammifères. Le sourire n’est pas le propre de l’humain, pas plus que la plupart de nos caractéristiques chéries !