Trois questions à... Didier Thouvenin, lanceur d'alerte
Agriculteur à Vittel, dans les Vosges, Didier Thouvenin dénonce la main basse de Nestlé sur l'eau
Vous dénoncez l’accaparement de Nestlé sur le foncier dans les Vosges, expliquez nous…
Ici Nestlé c’est un Etat dans l’Etat. Pour vendre son eau en bouteille sous la marque Vittel, et parce que l’entreprise ne veut pas de concurrence, Nestlé fait main basse sur le foncier avec la bénédiction des autorités et en achetant nos terrains avec les profits qu’elle tire en pompant notre eau à outrance pour la vendre en Allemagne et en Suisse. J’ai voulu acheter des terrains pour m’installer comme éleveur laitier, mais c’est Nestlé qui l’a emporté. Il m’ont proposé d’utiliser les terres gratuitement mais je devais en échange signer une convention « écologique »… une sorte de blanc-seing pour leur pratiques d’un autre âge qui exploitent la nature de façon honteuse…
Une convention écologique alors que Vittel, dites-vous, est loin d’être exemplaire en la matière…
C’est un secret de polichinelle ! Nestlé stocke ses déchets comme on le faisait il y a des années dans les pays en développement. Il y a des décharges à ciel ouvert, des dépôts de plastique, des montagnes de bouteilles… Nestlé a reconnu l’existence de neuf décharges prétendument « secrètes ».
Que s’est-il passé quand vous avez dénoncé cette pollution ?
En 2014, à l’occasion d’un reportage télévisé, j’ai montré une décharge industrielle de bouteilles plastique sur une propriété de Vittel. Sept ans plus tard, à l’occasion d’un nouveau reportage, les journalistes ont pu constater que les déchets polluants étaient toujours au même endroit. La réaction de Nestlé n’a pas été d’agir contre cette pollution, mais de me faire convoquer à la gendarmerie pour « effraction » ! Je ne pense pas que cette histoire ira beaucoup plus loin mais c’est ce qui arrive lorsqu’on dénonce la spoliation. Je vis modestement, il aurait sans doute été plus simple d’aller chercher ma part du vol de l’eau de tous, mais moralement je ne peux pas.