Droits de la nature et droit de l’Union européenne : les chemins du dialogue
Une étude coordonnée par Nathalie Hervé Fournereau, Directrice de Recherche CNRS, pour les Verts/ALE au Parlement européen
Lors du mandat européen 2019-2024, l’Union européenne avait pour feuille de route le “Pacte Vert”, censé nous outiller pour relever le défi climatique et environnemental. Nous avons certes obtenu dans ce cadre des avancées non négligeables : de la révision de la directive européenne sur la criminalité environnementale (posant les bases de la reconnaissance de l’écocide dans le droit de l’UE) au rehaussement (timide) des objectifs climatiques de l’UE, en passant par l’instauration d’un devoir de vigilance des entreprises européennes, quoique largement amputé des ambitions premières. Pour la première fois, le Parlement européen a également appelé à reconnaître les forêts du monde comme un commun naturel. Mais les chantiers sont encore très, trop nombreux : l’UE ne s’est toujours pas engagée résolument dans la sortie complète des énergies fossiles. La loi sur la restauration de la nature, qui devait être LE grand texte pour protéger les écosystèmes européens, a été minée par l’alliance des droites et des libéraux, alliés contre l’écologie. Les politiques européennes restent cantonnées à une approche restaurative basée sur la compensation des atteintes à l’environnement (on détruit, puis on répare à la marge), plus qu’une approche écosystémique et préventive. Pire, ces politiques s’enfoncent dans la marchandisation du vivant, sa financiarisation croissante. Pour protéger la nature, il faudrait lui donner un prix, en faire une valeur marchande comme une autre, la soumettre elle aussi aux lois du marché.
Face à cette vision, nous défendons avec les écologistes une autre approche : la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la nature et de ses droits. Nous voulons impulser un réel changement de paradigme : passer d’une approche utilitariste de la nature vers la reconnaissance de sa valeur intrinsèque, de la multiplication de permis de nuire et détruire la nature à la reconnaissance du droit des écosystèmes à être protégés, à se régénérer à leur rythme naturel et à ne pas être pollués… En s’engageant dans cette voie, l’Union européenne prendrait part à un mouvement mondial qui s’étend de l’Amérique Latine à l’Asie, en passant par l’Afrique. Un mouvement qui a déjà commencé à prendre racine partout en Europe ces dernières années : reconnaissance de la personnalité juridique de la Mar Menor en Espagne, déclaration des droits du Tavignanu en Corse et des Salines en Martinique, reconnaissance des droits de la nature dans le Code de l’environnement des îles Loyauté en Nouvelle Calédonie…
Cette étude de Nathalie Hervé Fournereau pour le groupe des Vers/ALE au Parlement européen analyse ces différents chantiers à mener pour une meilleure protection et préservation des écosystèmes à partir des textes existants, de propositions législatives innovantes mais aussi de modifications structurelles radicales visant à revoir l’architecture des priorités à l’échelle européenne. Certaines des propositions sont déjà en cours de négociation dans les institutions européennes, d’autres sont des chantiers qui pourraient être lancés dans les années à venir comme l'adoption d’une directive cadre sur la biodiversité et la nature ou encore une réforme du droit primaire pour reconnaître au coeur des traités européens la valeur intrinsèque de la nature et ses droits.
Cette étude ouvre des perspectives d’action ambitieuses pour l’avenir de l’UE. Une véritable feuille de route vers la reconnaissance des droits de la nature.