La bataille contre le marché n’est pas (encore) gagnée. Bonne rentrée déterminée ! - L’édito JUSTICE du 8 septembre 2021

Parce que nous avons besoin d’écologie, nous avons besoin d’écologistes. Et nous avons besoin qu’ils soient en responsabilité. Quitte à (ne pas) vous surprendre, je commence cet édito de rentrée en vous invitant, dès 16 ans, à vous inscrire avant le 12 septembre aux primaires de l’écologie politique, sur lesecologistes.fr. Le premier tour se tiendra entre le 16 et le 19 septembre (clôture des votes à 17 heures pile). Plus nous serons nombreuses et nombreux à participer, plus cette candidature sera forte et collective, plus nos chances seront grandes de changer la donne

Car la donne a besoin d’être changée. Il y aurait beaucoup à dire de la politique menée en Afghanistan, des stigmatisations usuelles et des contre-vérités sur les plus pauvres énoncées avec une arrogante certitude par les plus riches chaque année au sortir de l’été, et des conditions dans lesquelles les élèves et salarié.e.s entament cette rentrée, ou encore des terribles événements (canicules, inondations, feux de forêts, coupures d’électricité...) qui auront marqué l’été 2021. Mais ce dont je souhaite vous parler en cette rentrée, c’est évidemment de biodiversité.

Nous dépendons toutes et tous du vivant. La pandémie zoonotique que nous traversons nous l’a cruellement rappelé. Ce virus qui a bouleversé nos vies entières, nos économies, nos libertés, nos sociétés..., aurait dû rester cantonné chez certaines espèces animales si nous n’avions pas détruit leur habitat naturel et pensé que nous pouvions à l’envi manipuler le non-humain. Un million d’espèces sont aujourd’hui menacées ; et outre les espèces sauvages en voie de disparition classées sur la liste rouge de l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN), la biodiversité ordinaire elle aussi s’effondre. Les dauphins et cétacés du Golfe de Gascogne, le rhinolophe de Mehely, le lapin de garenne, le grand hamster ou encore le cerf de Corse... sont autant d’espèces en voie de disparition sur le territoire français. Les fleuves et rivières, les forêts et bosquets, les glaciers et insectes sont en danger. Nous n’avons pas le choix : si nous voulons survivre, devons engager la révolution qu’est le tournant politique de l’harmonie avec le vivant.

Le Président de la République - et surtout pré-candidat à sa réélection - nous a tant habitué·es aux promesses grandiloquentes (quitte à n’en rien faire) qu’on attendait des annonces fortes, lors de son discours d’ouverture du Sommet mondial de l’UICN. Les débats menés par cette dernière, réunissant ONGs, entreprises et états, préfigurent les négociations internationales qui doivent nous mener - en avril - à un « Accord de Paris » pour la biodiversité. Les observateurs, même les plus critiques, s’attendaient donc à ce qu’Emmanuel Macron présente au moins un ou deux projets à la hauteur parmi ceux dont on sait qu’il relèvent de l’urgence : sanctuariser les Jardins d’Aubervilliers, en cours de bétonisation à l’approche des Jeux Olympiques 2024 (alors même que l’accès aux espaces verts y est près de 10 fois inférieur au reste du pays), réitérer son opposition au mégaprojet minier de la Montagne d’Or en Guyane, ou revenir sur la ré-autorisation des néo-nicotinoïdes pour protéger les sols, les pollinisateurs et le reste du vivant...

Rien. Le discours d'Emmanuel Macron à Marseille restera une douleur. Ses paroles, déjà creuses, pâlissent un peu plus. Ses vides annonces abandonnent toute ambition. Que penser, alors, de son action ?

Les facteurs de destruction de la biodiversité sont connus : dérèglement climatique, destruction des habitats via l’artificialisation et la pollution des sols, ou la déforestation, en sont les déterminants majeurs. Les solutions sont connues : la fin (réelle) de l’artificialisation des sols, l’interdiction des pesticides et engrais toxiques, le respect de nos objectifs climat, la fin des coupes rases ou encore la mise en œuvre du plan de lutte contre la déforestation importée. A ces solutions évidentes et précises, le Président préfère le vide. Il ménage la chèvre « et en même temps » le chou. Et surtout le marché.

D’un côté il promet la sortie des emballages plastiques sur les fruits et légumes et invite le monde à se réunir pour un nouveau sommet sur les océans... de l’autre, il refuse de s’engager à préserver les océans de la nouvelle course aux profits qu’est l’imminente exploitation minière des fonds marins. Depuis Marseille, il a feint d’ignorer que se borner à protéger 5% des aires françaises de la Méditerranée ne sauvera pas cette mer peut-être la plus polluée du monde, si nous n'engageons pas les autres états de son pourtour à cesser les puits de gaz et de pétrole. Il a vanté la transformation de l’économie pour protéger la biodiversité, en omettant de dire que seuls 0,25% de son plan de relance est consacré à la biodiversité. L’hypocrisie s’ajoute au vide sidéral de ces presque non-annonces.

Macron a pourtant commencé son discours en soulignant l'interdépendance des humains et des non humains, et les boucles de rétroaction entre le climat et la biodiversité. Il a posé les bases du changement systémique dont nous avons besoin. Il aurait pu, il aurait dû, y soutenir la reconnaissance des droits de la nature, qui figurait pourtant dans le draft 0 - le premier « brouillon » - du futur accord international sur la biodiversité. Une mention qui a disparu dans la version publiée en juillet, dans le plus grand silence des autorités françaises et européennes. Comme un écho à l’épuisant silence qui entoure la reconnaissance de l’écocide, qui doit pourtant nous permettre d’empêcher les projets qui détruisent notre planète.

Christine Lagarde, Emmanuel Macron, les géants du luxe, les banques françaises, et même l’UICN !, préfèrent s’aventurer sur la piste de la financiarisation de la nature et des mécanismes de « compensation » des pertes en biodiversité (voir ci-dessous nos Trois questions à Frédéric Hache). Un nouvel élargissement, en somme, d’une finance déjà débridée aux « actifs naturels ». Quitte à permettre aux destructeurs du vivant de continuer à bafouer droits humains et du vivant, s’ils sont en capacité de racheter leur faute en plantant quelques arbres. Nous devons leur rappeler que non, tout n’est pas à vendre ! Et que la nature aussi a des droits.

La boucle est bouclée. Il nous faut un changement systémique. Il nous faut préférer le respect à la mise sur le marché de la faune et de la flore, des sols et des rivières. Il nous faut un changement de civilisation. La bataille est rude, et nous ne sommes pas (encore) en train de la gagner. Alors parce que nous n’avons plus de temps à perdre pour sauver les espèces qui peuplent encore ce monde, et donc l’Humanité !, n’oubliez pas de vous inscrire à la primaire des écologistes.

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Trois questions à... Frédéric Hache, directeur de Green Finance Observatory

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