Trois questions à… Francesca Pasquini, députée EELV-Nupes des Hauts-de-Seine
Depuis le 1er janvier, les cours criminelles départementales ont été généralisées à tout le territoire français après une période d'expérimentation peu probante. Composées uniquement de magistrats professionnels et non plus de jurys populaires, ces cours traiteront désormais 57% des dossiers : les crimes considérés comme les « moins graves », parmi lesquels les viols et atteintes sexuelles. Si les crimes passibles de plus de 20 ans de réclusion restent réservés aux cours d’assises, cette réforme pose question. Francesca Pasquini, députée EELV des Hauts-de-Seine porte une proposition de loi pour préserver les jurys populaires.
Vous portez une proposition de loi contre la généralisation des cours criminelles départementales, entrée en vigueur le 1er janvier dernier : pourquoi ?
Les cours criminelles départementales jugent les affaires punies jusqu’à 20 ans d’emprisonnement, elles sont composées uniquement de magistrats professionnels. Elles remplaceront les cours d’assises (et donc les jurys populaires) dans 57% des affaires pénales. Le jury populaire en cours d’Assises est un héritage de la révolution française, ces nouvelles cours éloignent donc le citoyen du fonctionnement de la justice. Cela pose un problème tant philosophique, la justice étant rendue au nom du peuple, que pratique, les magistrats étant « retirés » d’autres juridictions pour siéger dans ces cours, qui d’ailleurs, ne disposent pas de lieux qui leur sont propres pour juger.
Vous n’êtes pas convaincue par la promesse d’une accélération des procédures ?
Loin de là, et je ne suis pas la seule. Le Conseil National des Barreaux (CNB) et les deux syndicats représentatifs de la magistrature se sont opposés à cette généralisation. Pour les raisons que j’ai citées mais aussi car cette accélération promise est presque inexistante. L’expérimentation des cours a montré que les délais d’audiencement sont assez proches de ceux prévus aux assises. Surtout, le taux d’appel y est plus important qu’aux assises (21% contre 15%), ce qui rend caduque l’idée qu’on accélèrerait la justice.
Au fond, ce sont deux conceptions de la Justice qui s’opposent…
Tout à fait, et de manière assez évidente. Le gouvernement est dans sa logique gestionnaire et voit le juré populaire comme un coût, une perte de temps et de « productivité » pour la justice, de l’autre, nous identifions plutôt la participation des citoyens pour ce qu’elle est : un joyau inestimable, garant de la confiance dans la justice. Être juré est une expérience marquante dans la vie de tout citoyen, souvent à l’issue ils s’impliquent dans la vie associative et dans tous les cas ils se font porte-parole, chacun vers une centaine de leurs proches, du fonctionnement de la justice. Avec les cours criminelles départementales ce sont près de 10 000 jurés en moins par an et donc environ un million de citoyens par an qui indirectement ne seront plus au fait ce qui se passe dans les salles des tribunaux.