Trois questions à... Karim Mokhtari, directeur de l’association 100 murs

Directeur de l’association www.100Murs.org, ancien détenu et auteur du livre "Rédemption, itinéraire d'un enfant cassé » (ed. Scrineo), Karim Mokhtari assure par ailleurs la formation des professionnels éducatifs et judiciaires qui accompagnent les mineurs placés sous main de justice. Il milite pour une réelle politique de réinsertion.

Vous êtes directeur de l’association 100 murs, quel en est le propos ?

Nous intervenons en milieu carcéral pour favoriser la réinsertion, auprès de détenus de droit commun mais aussi de personnes condamnées pour terrorisme ou projet de terrorisme. Nous avons également un volet prévention de la délinquance auprès de jeunes placés sous main de justice. Notre action s’articule autour de 4 axes principaux. Le premier est le témoignage, le mien en l’occurence, puisque j’ai été détenu. C’est important car cela crée un lien de confiance et permet une forme d’identification. Nous misons ensuite sur le développement personnel, la gestion des émotions et de la colère ; sur la citoyenneté pour que les détenus sachent trouver leur place comme citoyens et comprennent ce que l’on attend d’eux ; et enfin sur l’insertion professionnelle, pour qu’il y ait un après détention, ou simplement - pour ceux qui s’étaient engagés dans un projet mortifère - un projet de vie.

Vous dites avoir l’impression que le mot « réinsertion » est un gros mot, pourquoi ? 

On reste assez confus en France sur les notions de surveiller et de punir. Il y a l’idée de faire payer absolument l’auteur dans sa chair. On s’offusque dès qu’il a une activité, une formation, ou juste du répit… alors que c’est précisément ce qui lui permettra de retrouver sa place dans la société.

Sur quelles actions faut-il mettre l’accent d’après vous ?

Il faut, à la dimension coercitive, ajouter une dimension humaine et sociale. Cela passe notamment par la place du surveillant, qui est un maillon essentiel. Il doit avoir le temps pour que s’installe une vraie relation et ne plus être perçu comme un ennemi mais comme un partenaire de réinsertion. Il faut plus de personnel. Il faut aussi favoriser beaucoup plus que nous le faisons aujourd’hui les alternatives à la prison lorsque c’est possible. Seulement 5 à 8% des détenus sont des criminels, les autres sont là pour des délits ou des infractions ! Il existe de nombreux dispositifs qui ont fait leurs preuves. Evidemment, tout cela coûte de l’argent mais ce sera toujours plus rentable que la récidive. C’est une question de volonté politique et de conception de la justice.

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