Ne perdons pas espoir, la détermination paye - L’édito JUSTICE du 20 octobre 2021
Presque trois ans se seront écoulés entre les premières signatures de la pétition et le jugement définitif. Trois ans à demander justice. La semaine dernière, elle s’est montrée, et bien montrée avec la décision historique du Tribunal administratif de Paris. Lui qui avait déjà reconnu l’État français coupable d’inaction climatique en février dernier, a donné raison aux quatre ONGs et 2,3 millions de citoyennes et de citoyens qui avaient porté l’Affaire du siècle. Il rend justice d’une manière novatrice, qui pourrait changer la donne.
Depuis quelques années, déjà, nos actions en justice pour le climat entrainent partout à travers le monde l’émergence de nouvelles obligations pour les états et les entreprises. C’est Urgenda qui en 2015 contraint les Pays-Bas à réhausser leurs objectifs climatiques. C’est Ashgar Leghari qui fait condamner l’état pakistanais pour violation des droits fondamentaux de ses parents paysans par le dérèglement climatique. C’est l’Irlande, condamnée pour avoir développé une trajectoire inapte à tenir les objectifs climatiques. C’est la Cour Suprême de Colombie qui en 2018 donne raison à 25 jeunes plaignant·es et demande à l’état d’agir pour le climat et contre la déforestation ; et qui reconnaît les droits de la forêt Amazonienne. C’est, plus récemment, la Cour Constitutionnelle allemande qui juge l’action climatique urgente pour préserver les libertés fondamentales.
En France, le Conseil d’État a d’abord rappelé au gouvernement son devoir de se remettre sur la trajectoire climatique. Mais la décision de l’Affaire du siècle va encore plus loin : la Justice se montre et demande à l’état de rattraper son retard, de faire cesser et de réparer le préjudice écologique que constitue le surplus d’émissions de CO2 dans l’atmosphère. C’est une première. Gageons qu’elle fera tâche d’huile.
Alors bien sûr la bataille n’est pas finie, mais les lignes du débat politique et sociétal bougent, et elles bougent en profondeur. Et de nombreuses autres victoires viennent s’additionner aux succès du mouvement pour la justice climatique. Des exemples ? La semaine dernière la Commission européenne a appelé à mettre fin à l’exploration de gaz et de pétrole dans l’Arctique. Dans la foulée, La Banque postale s’est engagée à liquider ses 1,2 milliard d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles ; une belle victoire portée par des femmes comme Lucie Pinson et Cécile Duflot, déjà rencontrées dans cette newsletter. Bientôt, le groupe pétrolier Shell sera de retour devant justice néerlandaise, qui l’a condamné en mai dernier à réduire ses émissions nettes de CO2 de 45 % d’ici à la fin 2030 par rapport à 2019. La défense du directeur général de la firme à l’annonce du verdict vaut aveu à elle seule : « Nous allons faire appel car une décision de justice, contre une seule entreprise, n'est pas efficace. Ce qu'il faut, ce sont des politiques claires et ambitieuses qui entraîneront des changements fondamentaux dans l'ensemble du système énergétique. » Tant mieux car de ce côté de la frontière, nous mobilisons Justice et société civile pour que Total, depuis longtemps connaisseuse des mécanismes du dérèglement climatique, soit enfin reconnue responsable de ses projets climaticides et qui bafouent trop souvent également les droits humains.
Ce que je veux vous dire, c’est que nous allons gagner. Oui, nous allons continuer à nous mobiliser, contre tous les pollueurs, partout. Nous allons nous battre pour que soit puni le crime d’écocide, pour que soient reconnus les droits de la nature, pour que soient interdites les coupes rases. Oui nous allons tenir bon face aux lobbies de l’agro-alimentaire qui défendent encore les pesticides y compris les plus toxiques, contre les entreprises des fossiles qui veulent continuer à produire encore. La liste est encore grande de ce qui doit encore bouger. Mais notre détermination l’est tout autant. Et notre espoir sort renforcé.