COMMUNIQUÉ : Sommet de Versailles : sortir des fossiles pour cesser de financer les crimes de guerre en Ukraine et sauver le climat, la mission historique de l’Europe
Au Sommet de Versailles, les chefs d’État et de gouvernement européens ont commis une faute historique : il n’a été décidé aucun relèvement de sanction ou arrêt d’importation des énergies fossiles russes. Marie Toussaint rappelle qu’il est urgent de sortir de toutes les énergies fossiles et d’investir dans l’efficacité énergétique et les renouvelables ; à commencer par les fossiles russes. Il est plus que jamais urgent de mettre un terme à notre dépendance aux énergies qui nous éloignent de la paix et de nos objectifs climatiques.
Pour Marie Toussaint, eurodéputée écologiste et shadow rapporteure pour le groupe des Verts/ALE sur la révision du paquet gazier :
“L’Europe dépense près de 700 millions d’euros par jour en approvisionnements russes, autant d’argent qui finance la guerre que Poutine mène à l'Ukraine ! La Commission européenne a fait un premier pas, en proposant de réduire de deux tiers notre consommation de gaz russe dès l'an prochain. Les chefs d'État doivent saisir la balle au bond et préparer un avenir sûr: il faut pour cela cesser toute importation de fossiles russes, et utiliser cette première étape pour sortir complètement et au plus vite de toute dépendance fossile. Le dernier rapport du GIEC l'a à nouveau montré : pour construire la paix, il faut sortir dès maintenant de notre dépendance au gaz, pétrole et charbon, d’où qu’ils viennent. L'enjeu est celui de la construction d'un modèle énergétique résilient face aux crises, juste socialement et bon pour le climat.
L’objectif à adopter pour respecter l’Accord de Paris, c'est de sortir totalement du gaz dès 2035. Commencer par se débarrasser du gaz russe doit permettre de poser les jalons pour un avenir sans gaz de l'Union européenne. Aux dirigeant.e.s européen.ne.s nous disons une chose: sortir du gaz, pétrole, charbon et uranium russes ne doit pas signifier que nous investissions dans de nouvelles infrastructures d’énergies fossiles pour diversifier notre approvisionnement. La diversification ne doit se faire qu’à infrastructures constantes et ne constituer qu’une réponse temporaire aux tensions actuelles liées à la crise russe. L’Agence Internationale de l’Energie a été claire, il ne faut plus investir dans de nouvelles infrastructures pétrolières ou gazières ! Diversifier à travers de nouvelles infrastructures nécessite par ailleurs de coûteux investissements, et du temps. Or, du temps face à l’urgence climatique, nous n’en n’avons pas ; quant à notre budget, il doit aller à 100% vers des solutions renouvelables, sobres, efficaces, et justes socialement.
Se libérer des gaz, pétrole, charbon et nucléaire russes ne sera pas évident, mais nous avons les ressources pour le faire. La Commission européenne a présenté des pistes pour réduire de deux tiers nos importations de gaz russe, et les chiffres des différents analystes convergent : il est d’ores et déjà possible de remplacer une très grande partie du gaz russe par d’autres sources d’énergie d’ici l’hiver prochain. L’enjeu est donc de trouver les solutions pour accomplir les derniers mètres qui nous séparent d’un remplacement complet de cette source d’énergie doublement dangereuse par des économies d’énergie et les renouvelables. C’est indispensable pour la paix, c’est impératif pour le climat. Nous ne sommes pas dupes : sortir rapidement des importations de gaz et autres énergies russes aura des répercussions économiques majeures. Les ménages européens ne doivent pas être les seuls à payer l'addition, ni les seuls à participer à l'effort à fournir. L'industrie européenne, les grands propriétaires de bâtiment (à fortiori les pouvoirs publics et les grandes entreprises) et les entreprises européennes œuvrant à l'étranger (à fortiori celles qui ont amplement bénéficié de leur commerce avec le régime de Poutine) doivent être les premiers mis à contribution.
La feuille de route est claire. Ainsi, à court terme, nous pouvons utiliser les dispositifs de délestage et d’interruptibilité, nous permettant de réduire la consommation d'énergie des industries les plus consommatrices, et ce, très rapidement. Certaines industries, telles que les producteurs d'engrais chimiques, pourraient d'ailleurs en profiter pour changer leur modèle économique : la production d'engrais chimique absorbe jusqu’à 2,5% du gaz consommé en France, et soutient un modèle agricole qui détruit la Terre sans véritablement soutenir les paysannes et paysans. Évidemment, des aides publiques seront nécessaires pour les salarié.e.s de ces industries, et pour les paysans.
A moyen terme, c’est-à-dire dans les mois qui viennent, il nous faut appuyer sur les principaux leviers nous permettant de réduire massivement notre consommation d’énergies fossiles. Or, des solutions alternatives au gaz existent pour remplacer plus de la moitié de la consommation de gaz dans l’industrie : 64% du gaz utilisé dans l’industrie de l’UE sert à produire des températures basses et moyennes, que nous pourrions dès demain remplacer par des pompes à chaleur, chaudières électriques, géothermie ou autres renouvelables. L'investissement public doit être mobilisé pour accompagner toute l'industrie vers cette mutation profonde.
A moyen terme aussi, les renouvelables sont un gage d’économie, puisque au niveau européen nous pourrions économiser 136 milliards d’euros d’importation de produits fossiles (gaz, charbon, pétrole) si nous atteignons ne serait-ce que 40% de renouvelables en 2030 dans notre mix énergétique. Avec les Verts/ALE, nous demandons de rehausser cet objectif à au moins 50%.
Nous devons faire de même avec la rénovation, puisque nos bâtiments consomment 40% de notre énergie : nous devons tripler annuellement le rythme des rénovations énergétiques. Notre proposition, c’est d’augmenter à au moins 45% notre objectif d’efficacité énergétique pour 2030. Le rapport de la Cour des comptes française publié hier le montre : les gouvernements n’en font pas assez pour l’efficacité énergétique, et les promesses chiffrées sont souvent des mots en l’air. Ainsi, le nombre de logements sortis du statut de “passoire thermique”, initialement estimé à 80 000 pour 2021, a été ramené à 2 500. Les marges de manœuvre existent, avec de la volonté politique. Pour financer ce plan de transformation de l’économie, nous demandons, avec Yannick Jadot, de réhausser à 2 000 milliards d’euros le plan de relance de l’Union européenne.
Face aux secousses profondes, l'Union doit faire preuve de solidarité. Avec les pays les plus exposés, en misant sur les infrastructures d’interconnexion électrique, et au travers d'outils budgétaires mutualisés pour faire face au choc. Ne nous limitons pas à créer une Europe de la défense ! Construisons aussi une véritable solidarité énergétique. Les États membres ont aussi la responsabilité de soutenir les ménages impactés par la crise. Outre une augmentation du plan de relance, nous encourageons les états-membres à saisir la perche tendue par la Commission européenne et à taxer les multinationales des énergies fossiles. L’Agence Internationale de l’Energie estime à 55 milliards d’euros l’enveloppe nécessaire pour aider les plus précaires… mis en face des 200 milliards d’euros de supers profits des entreprises de l’énergie, cela éclaire davantage la nécessaire décision de taxer ces profits pour aider les ménages à compenser la hausse des prix !
Enfin, le Sommet de Versailles devrait envoyer un signal à la Commission : il est encore temps de retirer le projet d’acte délégué sur la Taxonomie gaz et nucléaire, qui ne seront jamais des énergies de transition. Ainsi que la proposition de 5e liste de projets d'infrastructures énergétiques d'intérêt communautaire qui contient encore de nombreux projets gaziers qui alimenteront la dépendance dont souffre structurellement l'Union européenne à des énergies nocives pour le climat et la paix.
La France a le devoir de faire passer la paix et le climat devant les profits des entreprises. En ce sens, le gouvernement doit contraindre Total à cesser ses activités en Russie. Les affaires d'Engie ou celles du nucléaire français avec Rosatom, doivent également cesser.
Nous nous trompons si nous pensons que nous devons remplacer une dépendance énergétique par une autre. Pour sortir de notre dépendance à la Russie, et construire une indépendance solidaire, l’Europe ne peut choisir qu’une voie : sobriété, efficacité, renouvelables. Nos chefs d’états doivent proposer une feuille de route claire au sortir du Sommet de Versailles : pour le climat, pour la paix, pour la justice, sortons l’Europe des fossiles, d’où qu’elles viennent.”