Trois questions à… Mathilde Saliou - Newsletter du 22 mars 2023
Journaliste spécialisée dans le numérique, Mathilde Saliou a par ailleurs été secrétaire générale de l’association Prenons la Une, qui milite pour une meilleure représentation des femmes dans les médias et pour l’égalité dans les rédactions. Elle est l’autrice de "Technoféminisme, comment le numérique aggrave les inégalités" aux Editions Grasset.
1- On apprend dans votre livre que les femmes ont joué un rôle essentiel dans l’histoire de l’informatique: pourquoi ce rôle a-t-il été occulté?
L’inventeur du premier programme informatique est une inventrice, Ada Lovelace. Mais pendant longtemps, ce qui a paru le plus intéressant dans la tech, c’était les machines, le matériel. En se concentrant sur ce domaine plus investi par les hommes, on oubliait les femmes, plutôt en charge du logiciel. Pourtant, l’un ne fonctionne pas sans l’autre ! Par ailleurs, quand le monde informatique est devenu synonyme de gains financiers et de pouvoir, dans les années 70, les hommes sont arrivés en très grand nombre. Enfin, quand on raconte l'histoire de l'informatique, on est souvent fascinés par les histoires de "génie" à la Steve Jobs. On les raconte comme s'ils s'étaient faits tous seuls, oubliant le contexte favorable dans lequel ils ont pu développer leurs inventions et toutes les personnes qui ont participé à leur entreprise. Or c'est souvent parmi ces "petites mains" que se trouvent les femmes et les minorités.
2- Vous expliquez que le numérique aggrave les inégalités, comment ?
En 2022, l’industrie ne comptait que 17% de femmes. Or c’est ce monde déséquilibré qui construit les outils numériques qui tissent désormais notre quotidien. Les technologies que construit le numérique (les algorithmes d'apprentissage machine, notamment) sont le fruit d’un système où les hommes sont majoritaires, donc elles reproduisent, voire aggravent des discriminations sexistes, mais également racistes ou autres.
3- Vous parlez aussi de violences : lesquelles, et comment y remédier ?
Les femmes courent 27 fois plus de risque que les hommes d’être victimes d’une forme de cyberviolence, selon le Lobby européen des femmes. Il faut d’abord miser sur l’éducation, au numérique comme à l’égalité, pour permettre à chacun de s’emparer de ces sujets. Nous devons également travailler sur le collectif pour prendre conscience de notre rôle dans les discussions en ligne, afin de faire d’internet un espace plus safe. Tout ça peut nous permettre d’arriver à une meilleure distribution du pouvoir à la fois en ligne et au sein des entreprises de la tech.